En Alsace 14% des surfaces viticoles sont cultivées en bio et quasiment tous les vignerons les plus réputés sont en biodynamie.
Fou, non ?
C’est un territoire pionnier en la matière, grâce notamment à la proximité avec l’Allemagne. J’ai appris lors de ce périple dans l’est de la France que le père de la biodynamie, Rudolf Steiner, était autrichien et qu’il avait fait des émules en France notamment Eugène Meyer en Alsace qui s’est converti très tôt, dans les années 60 .
La nouvelle génération de viticulteurs est convaincue et va plus loin que ses aînés. Elle renouvelle les codes, dépoussière le genre, expérimente sur des cuvées particulières en s’affranchissant des cahiers des charges. Il y a une vraie culture du bio et de la biodynamie dans les vins d’Alsace et cela ne s’arrête pas aux pratiques agricoles. Cela se traduit aussi dans la vinification et même dans l’architecture des chais (bioclimatiques comme chez Christian Binner ). C’est une démarche globale et engagée nous a-t-il expliqué.
Après cette première visite, je me disais, oui, bon, c’est un cas isolé, un peu extrême. Mais en fait non. A la Maison Charles Frey à Dambach la Ville, nous avons pu visiter également un chai climatique construit en 2010. Dominique Frey nous en a dit un peu plus sur la construction de ce lieu :
Il n’est fait qu’en matériaux naturels. Il n’y a ici ni climatisation ni chauffage. La particularité de cette cave est qu’elle est construite sur l’intersection de 2 sources souterraines. C’est toujours là où il y a le plus d’énergie et nous y avons construit le menhir. Il sert à amplifier les énergies. Normalement on fait couler de l’eau dessus pour amener des ions négatifs et apporter de l’humidité au lieu entièrement conçu en bois ainsi qu’aux foudres et aux barriques. Mais nous l’avons coupée pour la période des vendanges. Cela n’est pas bon.
Là, pour tout vous dire, il m’a un peu perdue. J’avais l’impression d’être à Woodstock sur Alsace. Mais une fois que j’ai eu goûté leur Crémant à tomber par terre accompagné d’une choucroute exceptionnelle du restaurant Winstub, je me suis dis, pourquoi pas ? 🙂
Nous avons poursuivi notre parcours initiatique biodynamie chez Achillée, un domaine viticole situé à Scherwiller dans un bâtiment passif, entièrement réalisé de bois et de paille. La propriété est en bio depuis 1999 et en biodynamie depuis 2003. J’en ai profité pour poser LA question qui me taraudait depuis le matin :
Quelles sont les différences entre bio et biodynamie ?
Pour faire simple, nous a expliqué Pierre Dietrich, en agriculture biologique (certifiée AB), on suit un cahier des charges et on arrête d’utiliser glyphosate, pesticides, insecticides. On remet de la vie dans le sol et on voit arriver de nouveau des vers de terre. Et puis on vinifie différemment par rapport au conventionnel.
En biodynamie vous suivez un deuxième cahier des charges qui est encore plus dur. Quand vous êtes en biodynamie, automatiquement vous êtes en agriculture biologique. C’est la première étape. Mais surtout, en biodynamie, vous changez de mentalité. Il existe plusieurs certifications en biodynamie dont par exemple Demeter (celle que nous utilisons) ou Biodyvin.
Vous dites on change de mentalité, c’est à dire ?
- On arrête d’essayer de produire le maximum. On essaie de produire ce que la vigne peut donner, on ne la drogue pas pour qu’elle nous donne plus. C’est comme ca que l’on arrive à faire des vins plus gustatifs. Cela n’empêche pas que l’on puisse avoir de beaux millésimes comme cette année avec des rendements intéressants. Ils sont toutefois bien plus faibles qu’en agriculture conventionnelle. Ici sur les dernières années, on est à environ 40 hectolitres par hectare alors que l’appellation nous autorise à en faire 80. Cela permet d’avoir une meilleure concentration et de plus grands raisins, avec plus de goût.
- On arrête de considérer le pied de vigne comme l’unique élément qui permet de produire du raisin : En fait le pied de vigne est au milieu d’un environnement, d’un écosystème, dans lequel vous avez une faune très présente et une flore très importante. Et parmi celles-ci, vous avez des maladies, des prédateurs. Mais en dépit de cette présence, la vigne arrive à pousser à l’état naturel. Donc, ce que l’on essaie de faire, c’est laisser la nature reprendre sa place, ceci afin de retrouver cet équilibre naturel et obtenir un environnement qui fonctionne. Et quand on l’acquiert, on n’a plus à apporter de corrections.
- On arrête de faire du curatif et on fait du préventif. C’est l’un des mots d’ordre de la biodynamie. On essaie de prévenir. Il n y a pas de solutions systémique chaque fois qu’apparait une maladie. On essaie de comprendre pourquoi elle est présente et qu’est-ce que l’on peut modifier dans l’écosystème qui fera que cette maladie n’ait plus de foyer. Et pareil pour les prédateurs. Tous les ans c’est différent et il peut y avoir des ratés. Il faut tout le temps faire de la recherche, tester, s’amuser. C’est très intéressent et passionnant.
Et côté vinifications ?
Alors quand on est en biodynamie, on n’a pas le droit d’utiliser de levure pour démarrer les fermentations. On ne travaille donc qu’avec des levures indigènes. Ici, on n’utilise pas de soufre pendant la vinification. On pourrait mettre 1 g à l’arrivée au pressoir mais on a choisi de ne pas le faire. A la mise en bouteille on a une partie des vins qui prennent 1 g et une partie des vins qui n’en prennent pas. On a donc des vins qui sont complètement natures. Mais nous ne sommes pas des ayatollahs du « sans soufre ». Si un jour il faut en mettre, on en mettra.
Après une visite des chais est venu le temps de la dégustation (avec modération bien sûr). Nous avons passé une excellente soirée dans sa cave en dégustant ses vins, accompagnés d’une délicieuse tarte flambée (clic pour la recette), réalisée par Didier Roeckel, le chef du restaurant A la Couronne situé à Scherwiller .
Bref, cette journée en Alsace était enrichissante, pleines de rencontres et de découvertes. Et puis quels magnifiques paysages. Je ne peux m’empêcher de vous mettre quelques photos :
Merci Charlotte, Cécile et le Civa.
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Enjoy !
A consommer avec modération, l’abus d’alcool est dangereux pour la santé.