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La Table de Pavie, St Emilion : Yannick Alleno

J’ai eu la chance de dîner la semaine dernière à La Table de Pavie, l’ancienne Hostellerie de Plaisance à Saint-Emilion, une belle table 2 étoiles de la région pour laquelle Yannick Alleno signe la carte. L’année dernière j’avais déjà pu y dîner, quelques semaines après son arrivée et j’avais été séduite.

Un an après, j’ai trouvé qu’il avait pris ses marques. J’ai eu l’impression qu’il avait absorbé l’essence de la région, qu’il s’en était imprégné, qu’il avait pris du temps pour approfondir sa connaissance de notre terroir. La volonté du chef, aussi bien que celle des propriétaires est de mettre à l’honneur la cuisine locale, les produits d’ici, que la carte ait du sens. 

Et c’est réussi. Nous avons retrouvé certains plats que nous avions goûté l’année dernière comme cette huître crépinette ou encore cet incroyable dessert betterave rhubarbe mais il y a aussi des nouveautés.  Je partage tout ceci en photos ci-dessous :

Dîner à la Table de Pavie

Nous avons commencé avec une coupe de Champagne (Egly Ouriet – brut tradition), accompagnée de toasts à la crème de sardine au Whisky, ail noir de Biscarosse et estragon, et, d’une huître de Joël Dupuch enroulée d’une feuille de blette, rafraichie quelques secondes à l’azote, jus de crépinette. Le tout était servi dans le nouveau bar, tout redécoré, très cosy et chaleureux. Il donne directement sur la terrasse nouvellement mise en valeur. Très réussi !

Puis ensuite, dans la salle du restaurant, elle aussi, modernisée :

Je ne vous mets pas de photographies, les photos le soir, c’est une catastrophe, cela ne met pas du tout en valeur les plats du chef.  Mais j’ai TOUT saucé.

En dessert : Betterave et rhubarbe au four à la vanille, meringue et nuage de fromage frais et Tarte chaude au chocolat, sauce Maury, glace à la vanille de Tahiti. L’alliance betterave rhubarbe est toujours aussi détonnante. Je suis moins fan du dessert au chocolat, mais comme vous le savez, le chocolat ce n’est pas mon truc 😉 .

Un dîner aux saveurs étonnantes et détonnantes, accompagné des excellents vins maison : Bordeaux Blanc 2019 – Château Monbousquet ; Saint Emilion Grand Cru Classé 2010 – Château Monbousquet et Saint Emilion 1er grand cru classé 2005 – Château Pavie.

A noter un service toujours au top !

Quelques mots avec Yannick Alleno

Comment se passe le travail ici à Saint Emilion ? 

J’ai la chance de travailler avec Sébastien Faramond (le chef en cuisine) et son équipe. J’ai coutume de dire que je suis un peu son coach. Notre but commun est de faire de Pavie une table de référence de la région. Je suis venu ici pour nourrir le rêve du propriétaire des lieux, Gérard Perse, à savoir obtenir 3 macarons Michelin. C’est un challenge important pour nous mais aussi pour la région, pour le tourisme.  Il n’y a plus eu de 3 étoiles à Bordeaux depuis le Chapon fin (qui les a détenues de 1935 à 1939).  Nous y mettons notre énergie, notre travail et espérons obtenir un jour le graal suprême.

Comment décririez-vous la cuisine que vous proposez ici à la Table de Pavie

Je souhaite via cette cuisine être le référent de la cuisine bordelaise moderne. J’exprime une nouvelle cuisine de terroir, plus dans l’air du temps, et ce notamment grâce à mon travail sur les sauces. Comme je le dis souvent, la sauce est le verbe de la cuisine française. C’est elle qui fait le plat.

Comment créez-vous ces sauces spéciales terroir ? 

Je pense que seuls les produits du terroir s’expriment à travers la fermentation. Alors, pour une sauce du terroir, j’utilise parfois cette touche de fermentation. Je l’additionne d’une extraction (cuisson à la juste température des légumes que l’on veut traiter en sauce), et d’une réduction par le froid. Cela donne une sauce avec une vraie notion de terroir. 80% de l’intérêt d’un plat réside dans sa sauce.

Comment expliquez-vous que les sauces aient disparu pendant plusieurs années de notre cuisine française ? 

Cela est du à plusieurs facteurs :

  • Le premier est lié au Gault et Millau :  Dans les années 70/80, le Gault et Millau a demandé aux chefs d’arrêter de faire des sauces. A cause de cela nous avons perdu notre faculté de tenir bon face à l’invasion culturelle. Nous avons été envahis par les préparations des pays du nord : condiments, huiles parfumées, pickles etc. Avant cela, comme l’expliquait Claude Lebey, on notait les restaurants par rapport à la sauce.
  • Le second est dû à l’essor de l’industrie agro-alimentaire. Dans les années 80, elle a sponsorisé les écoles pour que l’on utilise des fonds de sauce déshydratés.
  • Et enfin le dernier est lié à la Guerre du Golfe. Les hôteliers et restaurateurs ont vécu alors une crise sans précédent. Les financiers ont cherché à réaliser des économies, ont regardé les comptes d’exploitation et ont poussé vers la sortie les chefs sauciers. C’est à cette époque là, ajoute-t-il, que sont nés les traits de balsamique dans les assiettes.

En plus de cela, il faut dire qu’en France, nous n’étions pas riches en sauces estivales. Il y a bien sûr la mayonnaise et la vinaigrette mais à part cela, pas grand chose. C’est  pour cela que j’ai travaillé sur les extractions : ce sont des sauces composées de cuissons individualisées des légumes et des aliments que l’on veut traiter en sauce.  On obtient ainsi des saveurs puissantes, profondes, complexes.

Merci Yannick.

La Table de Pavie – 5 Pl. du Clocher, 33 330 Saint-Émilion

Pour les prix,  à partir de 75 € en semaine à midi, à partir de 165 € le soir.