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La Table de Pavie, Yannick Alleno, Saint Emilion

Si vous n’habitez pas le Sud-ouest de la France, peut être ne connaissez-vous pas cette maison réputée qu’est l’Hôtel de Pavie (ex Hostellerie de Plaisance) à Saint Emilion. Cet établissement qui possède certainement l’une des vues les plus époustouflantes sur la cité médiévale est une très belle table étoilée locale (2 macarons Michelin). On y a vu passer de grands chefs, que ce soit Philippe Etchebest, Cédric Béchade ou encore Ronan Kervarrec. Depuis quelques mois, Yannick Alleno signe la carte. Il avait déjà été sollicité dans le passé par Mr et Mme Perse, les propriétaires du lieu, pour prendre la tête de la cuisine mais cela n’avait pu se faire. Et puis là, en septembre dernier, les planètes se sont alignées.

Les ambitions d’étoiles en général et d’étoile verte en particulier sont clairement assumées. Pour ceux qui l’ignorent, l’étoile verte est celle qui promeut les établissements particulièrement engagés dans une approche durable de la gastronomie.

Hier, en ce premier jour de déconfinement, j’ai donc pu découvrir avec mes collègues la vision qu’a Yannick Alleno de la gastronomie bordelaise moderne. Voici ce qu’il nous en a dit avant le repas :

« Je propose ici à Saint Emilion une cuisine résolument bordelaise, au service du vin, et tournée vers la vigne. Nous avons d’ailleurs intitulé notre menu « De la vigne à l’assiette ». Il évoluera en fonction des saisons mais aussi de l’activité viticole et fusionnera les deux univers. Côté cuisine pure, je me suis appuyé sur un réseau de fournisseurs locaux et j’ai puisé dans l’histoire des recettes locales : Les crépinettes avec les huîtres, le tourin à l’ail, …  « 

Et, je peux vous dire que le résultat décoiffe. Je connaissais sa passion pour les sauces (je l’avais interviewé il y a quelques années sur le sujet) mais entre la théorie et la pratique, il y a un gap. Et des sauces il y en avait dans ce menu.

« La cuisine française c’est la sauce, explique à nouveau Yannick Alleno. Elle représente 80% de l’intérêt d’une assiette. Elle est le verbe de la cuisine française, celle qui permet aux aliments de se parler entre eux et qui permet à l’assiette de parler au vin. Nous avons beaucoup travaillé pour découvrir une nouvelle façon de les préparer. J’ai eu le déclic nous dit-il lors d’une conversation avec Yann Fillioux, maître assembleur chez Hennessy. Le secret du goût constant, c’est l’assemblage ! Il faut réunir des saveurs différentes, un peu à la manière d’un parfumeur pour arriver au résultat final. Nous cuisons donc chaque aliment séparément. Ensuite, pour concentrer les saveurs, nous procédons à une cryoconcentration, une technique également bien connue en viticulture. Il ne reste ensuite plus qu’à assembler selon nos envies. »

Rarement je n’ai pris autant de plaisir à un déjeuner. Je crois que ce qui m’a vraiment impressionnée, c’est cette construction des goûts : des saveurs complexes mais limpides, des accords percutants, des jus puissants et corsés, des parfums envoûtants, un jeu de textures (du craquant à l’onctueux) et même un petit côté ludique et sulfureux lors de la dégustation des têtes de pigeons façon ortolans (oui c’est bon 😀 ). Et je ne parle même pas du air-pigeon, il faudra aller tester vous même 😀 . Je peux vous dire que j’ai saucé  (souvent), que j’ai mangé avec mes doigts  (un peu), et que je suis rentrée à la maison avec des étoiles plein les yeux (beaucoup)

A noter les excellents desserts du chef pâtissier Sébastien Nabaile (à base non pas de saccharose mais de sucre de bouleau, le xylitol, à la façon d’Aurélien RIvoire, chef pâtissier du Pavillon Ledoyen), le délicieux pain maison et le service, toujours au top. Ajoutez à cela les excellents vins du Château Pavie et vous comprendrez pourquoi le sourire ne me quitte plus depuis que je suis rentrée.

Une très très très très belle adresse locale, qui vaut vraiment le déplacement, où que vous soyez.

Le repas en images

Les photos sont moyennes, la lumière n’était vraiment pas idéale.

A l’apéritif

Mises en bouche

Emotions apéritives 1900/1950 composées d’huître au verjus de crépinette « Madame Agouasse« , de pain frit à la crème de sardine et de tourin à la mousse de seigle.

Entrées :

Parfum animal perlé à la fonte du foie gras au genièvre ; Chaud froid de truite de nos montagnes (de Banka) à l’anguille fumée, girolles farcies à la vapeur ; Feuilleté bordelais de pomme en l’air d’artichaut et céleri rave, oseille et vapeur de Cognac XO.

Poisson

Civet blanc de homard bleu à la bordelaise, arroche pourpre.

Viande

Air pigeon, bête soufflée et rôtie au feu d’enfer, bec façon ortolan à la serviette, filets au jus de presse en amertume d’oseille, épinards à la noix de muscade et purée aux cerneaux de noix.

Desserts :

Betterave et rhubarbe au four à la vanille, meringue et nuage de fromage frais, Pailles feuilletées au chocolat cuites sur un pavé du village, délicate gelée au Paradis, glace à l’orge.

La Table de Pavie – 5 Place du Clocher, 33 330 Saint-Émilion

Les prix : menu du déjeuner : 60 euros, menus du dîner : 165 euros pour 4 plats et 1 dessert ou 215 euros pour 4 plats et 2 desserts ou direct à la carte.

Et pour plus d’information sur Saint Emilion, je vous renvoie ici : Une journée à Saint Emilion.

Enjoy !