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La recette du Crêmet d’Anjou : un nuage de douceur

J’ai rencontré Sophie Reynouard David Auvray au Domaine FL. Nous y avions rendez-vous pour qu’elle me raconte l’histoire du Crêmet d’Anjou et du pourquoi du comment elle s’y était intéressée.

« J’ai épousé un vigneron de la région et je me suis dit que j’allais faire table d’hôtes et proposer de la cuisine locale à la propriété. Or, il n’y a pas vraiment de spécialités angevines » m’explique’t-elle. « Il faut dire qu’il y a ici une identité aristocratique très forte et que pendant des siècles, nous n’avions qu’une ambition : préparer à manger comme à la cour. Nous copions donc leurs recettes. »

Qu’est ce qu’une spécialité en cuisine

De plus, poursuit Sophie, il faut s’intéresser à la notion même de spécialité culinaire. On peut dire qu’elle est définie par :

Très souvent les spécialités sont des conserves : cassoulet, choucroute etc.  C’était une façon de garder pendant toute l’année des produits qu’il y avait à profusion pendant une petite partie de l’année. Or, ici, en Anjou, la terre est tellement riche que nous n’avions pas besoin de conserves.

De l’origine du Crêmet

Le crêmet trouve sa source dans les cuisines de Louis XIV poursuit-elle. D’une part le Roi Soleil se sert de la cuisine comme d’un faire-valoir. Il veut épater. Il fait par exemple installer des glacières à Versailles. En 1692 on y a de la glace toute l’année et en 1710 les glacières arrivent en Anjou. Cela va très vite pour l’époque. Ajoutez à cela qu’à 43 ans le roi perd sa première dent. De là vont naître les mousses, les consommés, les purées etc.

Nous avons donc 2 facteurs décisifs à la naissance du Crêmet : L’avènement du « mou » et la possibilité d’avoir du « froid », qui permet un bon foisonnement de la crème.

Crêmet est un mot angevin signifiant fouetter la crème jusqu’à la limite du beurre. Le coup de main, le secret de sa réussite, c’est de savoir s’arrêter à temps. La technique ressemble à celle du Fontainebleau sauf qu’ici on ajoute un blanc d’oeuf à la préparation avant d’égoutter.  Cette spécialité était tombée dans l’oubli jusqu’à ce que Sophie décide d’y consacrer toute son énergie.

Cela a d’ailleurs abouti à la naissance de son livre, le Crêmet d’Anjou : 300 ans d’histoire gourmande.

La recette traditionnelle du crêmet d’Anjou

Le secret était bien gardé. Après avoir consulté de nombreuses archives, interviewées des cuisinières très âgées, Sophie a réussi à écrire une recette qui fait consensus. La voici donc :

Ingrédients

Pour 4 crêmets d’Anjou :

Préparation

Séparez les blancs des jaunes d’oeufs. Il est préférable de le faire à l’avance et de laisser vos blancs revenir à température ambiante. Pesez les blancs d’oeufs (il en faut 30 g par moule) et mettez les blancs dans un saladier pour les battre. .

Je compte souvent un blanc d’oeuf par moule précise Sophie, mais, au bout de 4 ou 5, je remplis souvent un moule de plus que prévu.

Commencez à fouetter doucement puis, dès que les blancs commencent à prendre, ajoutez quelques gouttes de jus de citron. Continuez de battre à vitesse maximum jusqu’à ce que vos blancs soient très fermes.

Versez la crème dans un autre saladier. Ajoutez le sucre liquide et les graines de la demi gousse de vanille (préalablement fendue en deux et grattée). Fouettez la crème jusqu’au crêmet, c’est à dire jusqu’à la limite du beurre.  Il faut s’arrêter quand la crème commence à marquer des sillons et à donner des reflets jaunes Elle granule légèrement. Arrêtez-vous à temps, sinon vous aurez du beurre.

Introduisez les blancs dans la crème (et non l’inverse), peu à peu, en faisant attention à ne pas casser les blancs.

Posez la compresse dépliée sur le moule et faites-y tomber une cuillère de crêmet. Cela va enfoncer la compresse dans le moule et vous pourrez alors rectifier son positionnement. Remplissez ensuite le moule jusqu’en haut et aplanissez la surface. Refermez la gaze pour évier que celle-ci ne trempe dans le fond du plateau et ne fasse remonter le jus par capillarité.

Déposez les moules dans un plateau et recouvrez d’un film alimentaire pour éviter qu’ils ne prennent le goût d’autres aliments stockés dans le frigo.  Laissez reposer au moins 6 heures mais préparez la veille pour le lendemain, c’est encore mieux.

Au moment de servir, ouvrez la gaze, tirez dessus légèrement pour décoller le crêmet de son moule Puis retournez le moule dans l’assiette (pas la peine de prendre des précautions, cela ne coule pas). Avec une main, tenez la gaze sur l’assiette et de l’autre tirez sur le moule à la verticale pour ne pas abimer le crêmet.

Retirez la gaze délicatement et garnissez.

Vous pouvez aussi si vous ne voulez pas vous embêter avec la gaze, ne pas la mettre et dans ce cas mangez directement votre crêmet dans le moule, sans le démouler.

Regardez la consistance, dingo non ? Aérien, mousseux, léger …. wow !

Une merveille !

Un site pour aller plus loin : www.cremetdanjou.net