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Serge Vieira : Interview 7 péchés capitaux

J’ai eu la chance de rencontrer Serge Vieira et son épouse Marie Aude, lors d’un séjour à l‘île Maurice dans le cadre du Festival Bernard Loiseau. Serge n’y intervenait pas cette année, mais j’en ai quand même profité pour l’interviewer 🙂 Serge Vieira, 2 étoiles au Guide Michelin pour son restaurant situé à Chaudes-Aigues dans le Cantal a remporté à 27 ans le Bocuse d’or. C’était en 2005.

C’est parti pour un questionnaire 7 péchés capitaux :p

Orgueil : Bonjour Serge, tu as gagné beaucoup de récompenses dans ta vie à titre professionnel mais de quoi es-tu le plus fier ?

De ma famille.On peut courir après les récompenses mais ce qui nous ancre dans la réalité, c’est la famille. Je pense bien sur à ma femme à mes enfants mais aussi à mes frères et soeur. Ils sont tous en Auvergne. Je fais aussi leur fierté car ils voyagent à travers moi.

Luxure : Est ce qu’être chef amène un petit truc en plus vis à vis des femmes

Arf, …. Cela ne doit concerner que les chefs parisiens parce que dans le Cantal ….. 🙂

Envie : Est-ce qu’il y a un chef que tu aurais aimé être ou un qui t’a marqué profondément ?

Des chefs qui m’ont marqué il y en a eus. Si je ne dois en garder qu’un je te dirai mon patron d’apprentissage, Dominique Robert. C’est là où j’ai démarré à Chamalières. Il a été comme un deuxième père pour moi. Sans lui je n’aurais pas pris goût à la cuisine et  je n’aurais pas eu envie de faire ce métier.

Après il y en a eu d’autres bien sur comme Régis Marcon ou Marc Meneau mais je n’idolâtre personne, j’ai juste du respect pour tout le monde et vis ma vie.

Colère – Qu’est-ce qui t’énerve ou te met en rage ? 

Beaucoup de choses. En terme de boulot, le non respect de son travail. Par exemple si tu passes plein d’heures à préparer quelque chose et que tu saccages le dressage. Cela me tue. Sinon dans la vie de tous les jours, la bêtise humaine, le racisme.

Paresse : Est- ce qu’il t’arrive de ne rien faire ? 

Ca m’arrive et j’adore. Je suis capable de passer des journées sur mon canapé. Autant j’adore mon travail et m’investis à fond, autant je peux rester complètement à ne rien faire. La période de fermeture (4 mois), me permet de me déconnecter complètement. Je pense à autre chose que la cuisine, je voyage beaucoup et vis les moments et les rencontres pleinement. Je ne fais pas de photos de plats par exemple, je ne suis pas en train de bosser. De toute façon, je ne veux pas que ma cuisine ressemble à celle de quelqu’un d’autre.

Avarice : Est-ce qu’être chef aujourd’hui, cela rapporte de l’argent ? 

Si cela marche bien, on peut bien gagner sa vie. Je suis partie de loin. Je suis fils d’ouvrier Michelin. Mes parents ont eut 5 enfants et vivaient simplement. Ils n’ont pas les moyens de venir déjeuner dans mon restaurant. Bien sur, je ne les facture pas s’ils viennent mais ils se sentent plus à l’aise s’ils déjeunent ou dînent avec le personnel. Ce qui me dérangeait quand j’étais employé, c’est de voir certains chefs se plaindre de ne pas gagner suffisamment mais quand je voyais les voitures sur le parking …. bref. Moi quand cela va, je le dis. Et d’ailleurs pareil quand cela ne va pas.

J’ai appris chez Régis Marcon que « l’optimisme est de rigueur et le pessimisme de volonté. »

Nous avons des métiers difficiles où nous sommes soumis souvent à la critique. Cela me touche quand je lis une mauvaise critique. Je me dis que parfois, nos clients devraient voir que mes gars se lèvent à 3 heures du matin et bossent 12 heures par jour. Cela aiderait à relativiser.

Gourmandise : Qu’est-ce qu’il faut avoir goûté au moins une fois dans sa vie ? 

Je n’ai pas encore tout goûté et n’ai pas de produits préférés. Je pense qu’un bon cuisinier doit être capable de faire quelque chose d’intéressant avec n’importe quel produit. Ma cuisine n’est pas simple, elle est technique et artistique. Je veux proposer quelque chose que l’on n’est pas capable de faire chez soi. Je prends donc des risques comme ce mélange de foie gras/tomates avec son condiment à la quetsche dont Mercotte se souvient 😉 (oui elle était avec nous et disait que c’était extraordinaire 😉 ). On peut faire des accords avec tout à partir du moment où c’est bien fait et bien maîtrisé.

Je renouvelle ma carte très souvent car je me lasse vite, je déteste la routine. Je peux dire qu’en 8 ans, pas un client n’a mangé 2 fois la même chose. Je pense que c’est en réaction au travail de mon père, qui faisait toujours la même chose.

Quoi qu’il en soit, j’essaie de faire plaisir à mes clients et de m’amuser dans ce que je fais. Bien sur qu’on aimerait avoir 3 étoiles, ce serait un pied de nez à la vie. La récompense décernée par Michelin et le fait que mon père était ouvrier chez eux. Et puis cela ferait aussi plaisir aux parents de Marie-Aude qui étaient agriculteurs. Mais nous sommes déjà abasourdis parce ce que nous avons réussi à faire : Ouverture en 2009, 1 étoile en 2010 et 2 en 2012.

C’est vrai que c’est extraordinaire. Merci Serge.

Restaurant Serge Vieira – Le Couffour, 15110 Chaudes-Aigues, France