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Interview 7 péchés capitaux : Patrick Bertron

J’ai rencontré Patrick Bertron au Festival Culinaire Bernard Loiseau qui s’est déroulé il y a quelques jours à l’hôtel Constance Belle Mare, Ile Maurice. Chef 2 étoiles du Relais Bernard Loiseau, il est l’un des créateurs de cette manifestation très gourmande.

C’est lors d’une conversation téléphonique avec Michael Scioli, son ancien second à Saulieu devenu chef du Prince Maurice (groupe Constance) que nait l’idée d’une semaine gastronomique à l’Hôtel Belle Mare m’a raconté Patrick. Après 2 premières éditions (2004 et 2005), ils décident avec l’aval de Madame Loiseau, d’en faire un concours de cuisine en mettant en exergue les valeurs portées par les deux groupes  : le partage et la générosité. C’est donc ainsi que nait il y a 12 ans ce Festival Culinaire Bernard Loiseau où se déroule une compétition culinaire entre 6 binômes associant un chef étoilé européen et un chef des îles du groupe Constance. Vous avez pu suivre cela sur les réseaux sociaux. Félicitations d’ailleurs au binôme William Ledeuil / Kevin Hook qui a remporté cette année la compétition.

J’ai donc profité de ma présence sur l’île pour l’interviewer.

Questionnaire 7 péchés capitaux : 

Orgueil : Bonjour Patrick, tu as gagné de nombreuses récompenses dans ta vie, mais aujourd’hui, si tu te retournes sur ton parcours, de quoi es-tu le plus fier ?

Je suis fier des valeurs transmises par mes parents. Tous deux étaient des gens simples, ma mère gardait des enfants, mon père était chauffeur livreur et nous n’allions au restaurant que lors des grandes fêtes familiales. Mais tous deux avaient le goût du produit et s’étaient rencontrés alors qu’ils travaillaient chez un maraîcher de la région nantaise. C’est ma mère qui m’a éveillé à la gourmandise et qui m’a donné l’envie de faire ce métier.

Et puis bien sur, je suis fier d’avoir fondé une famille. Dans nos métiers, pas faciles,  il est essentiel d’être soutenu par ses proches.

Colère : Qu’est-ce qui te met en rage ? 

La remise en cause de la parole donnée, le mensonge, la tromperie. Cela me met hors de moi. On peut faire des erreurs mais faute avouée à moitié pardonnée. La sincérité est indispensable et amène à obtenir la confiance des autres.

Avarice : Est-ce qu’être chef aujourd’hui permet de bien gagner sa vie ? 

Oui, je pense. Il y a des chefs qui gagnent très bien leur vie (dans les chefs reconnus), d’autres c’est plus dur. Différents modèles existent : chefs propriétaires, chef dans une maison, chef d’un palace, … tout cela est très différent.  Mais étant donné la masse de travail que notre domaine exige, il est normal de bien gagner sa vie. Il n’y a pas à avoir honte de cela. Il faut  savoir créer, mener des hommes, organiser, être figure de proue, partager les compliments quand cela va bien mais assumer personnellement quand cela va mal etc.

Luxure : est-ce qu’être chef amène le petit truc en plus vis à vis des femmes ? 

Dans la cuisine, c’est comme dans le cinéma, il y en a qui s’en servent et d’autres, comme moi, à qui c’est égal. Mais l’image des chefs a changé. Avant les cuisiniers comme Paul Bocuse étaient des icônes inapprochables. Aujourd’hui nous sommes plus accessibles. Il y a aussi plus de média, davantage de communication.  Le métier attire plus mais peut être pas toujours pour les bonnes raisons. Pour pouvoir bénéficier des feux de la rampe il faut beaucoup beaucoup beaucoup de travail. Et même si l’on va plus vite en gagnant un concours télévisuel il faut avoir derrière le feu sacré pour durer.

Paresse : Est-ce qu’il t’arrive de ne rien faire ?

Très rarement. Je me détends en faisant du sport (du vélo), mais aussi avec toutes les activités courantes de la vie quotidienne et  que je peux avoir chez moi : bricolage etc.

Envie : Est ce qu’il y a un chef que tu aurais aimé être ou que tu admires tout particulièrement ? 

Evidement j’admire Bernard Loiseau qui a été mon maître. J’admire aussi souvent ceux qui nous ont précédé et qui, comme Paul Bocuse, les frères Troigros, Roger Vergé, ont par leur travail dans les années 60 apporté de l’originalité à la cuisine française, figée jusqu’alors. Ils se sont affranchis de la tradition et on pu créer une cuisine qui leur était propre, liée à leur sensibilité. Il n’y avait plus UNE cuisine mais DES Cuisines. Et cela a permis aux générations suivantes d’être plus libres, d’avoir leurs propres cartes dans leurs propres restaurants.

Gourmandise : Que faut-il avoir goûté au moins une fois dans sa vie ? 

Tout ! Il faut être curieux. Le métier de cuisinier, avant toute chose, c’est goûter à tout, se faire le palais pour tester les assaisonnements, les textures, les températures (pas assez chaud, trop froid).  C’est indispensable, surtout si l’on veut créer. Cela vous nourrit. Plus on goûte et meilleur on est.  On range cela dans sa bibliothèque personnelle et un jour cela peut revenir et devenir un mariage étonnant.

Merci beaucoup Patrick ! 

Relais Bernard Loiseau – Parc Naturel Régional du Morvan, 2 Rue d’Argentine, 21210 Saulieu