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Interview gourmande : Gastón Acurio, l’homme qui a fait découvrir la cuisine péruvienne au monde entier

Lorsque j’étais au Pérou, j’ai assisté au Momento Andes organisé par Mater Iniciativa. Comme je vous l’ai expliqué, c’était une série de conférences, de partages d’expériences entre personnes passionnées par la gastronomie, les produits, la défense des savoir faire, du patrimoine etc.

Une telle manifestation ne pouvait se faire sans Gastón Acurio, le chef du restaurant Astrid y Gaston à Lima, considéré comme 30è meilleur restaurant du monde . Si vous entendez parler de la gastronomie péruvienne partout dans le monde c’est beaucoup grâce à lui. Il a aussi rendu les péruviens fiers de leur cuisine. Bref, lui qui au départ était destiné à une carrière d’avocat a bien fait d’abandonner le droit et de se lancer dans la restauration, accompagné de son épouse Astrid.

Si vous parlez un peu espagnol, je vous recommande de lire ce très bel article de Mario Vargas Llosa à son sujet : El sueño del chef (le rêve du chef). Il fait partie de la 2è génération des chefs péruviens.

Interview 7 péchés capitaux

J’ai eu la chance de pouvoir l’interviewer, en toute simplicité et en français car Gastón a complété sa formation culinaire au Cordon Bleu à Paris. Un petit questionnaire autour des 7 péchés capitaux 😉

Orgueil : Vous êtes le chef emblématique de la cuisine péruvienne, vous avez été élu Péruvien de l’année. Finalement de quoi êtes vous le plus fier aujourd’hui ?

Je ne suis pas fier. Ou alors fier de la nouvelle génération de chefs péruviens. Quand je vois leur travail, leur créativité, je sens qu’ils vont pouvoir aller beaucoup plus loin que nous et porter encore plus haut les couleurs de la gastronomie péruvienne. De mon côté, j’ai eu beaucoup de chance dans ma vie. Je peux ainsi aider à faire avancer les choses, à trouver de l’argent mais fier de moi ? Non 🙂

Avarice :  Est-ce qu’au Pérou on peut bien gagner sa vie quand on est chef ? 

Oui. J’ai une école de cuisine à Lima dans un quartier difficile. Les jeunes qui sont là n’ont pas eu beaucoup de chance dans leur existence. Mais après 3 ans d’apprentissage à l’école, ils peuvent bien gagner leur vie. Il y a par exemple un jeune garçon issu de cet école qui est maintenant chef de cuisine d’un de mes restaurants. Il a 23 ans et gagne plus qu’un directeur d’école. Mais il faut avoir de l’ambition. Si tu veux juste être cuisinier, ton salaire sera limité, mais si tu veux aller plus loin, tu pourras ouvrir ton propre business, mettre de l’argent de côté etc.

Envie : Y a-t-il un chef que vous admirez particulièrement ? 

Oui bien sur, pas mal. Et pour différentes raisons. Ferran Adria pour l’innovation absolue, Alain Ducasse pour l’organisation incroyable en cuisine, Michel Bras pour la poésie dans l’assiette, Juan Mari Arzak pour avoir contribué à faire de San Sébastien une Mecque gastronomique.

Colère : Est-ce qu’il y a quelque chose qui vous met en colore, qui vous agace ? 

Moi, de plus en plus 🙂 . Vous savez, c’est en France que j’ai découvert la colère en cuisine. Tout devait être parfait et si cela ne l’était pas, HAN ! . J’ai ramené cela au Pérou mais après 2 ans j’étais à l’hôpital 🙂 Aujourd’hui j’ai appris que si cela ne marche pas, cela ira mieux demain.

Gourmandise : Pour vous, que faut-il avoir goûté au moins une fois dans sa vie ? 

Moi, je suis péruvien. Et je pense qu’il faut goûter absolument aux pommes de terre avec l’aji, notre piment. Pour 2 raisons, d’abord parce que le mariage entre la pomme de terre et le piment est très bon et que j’ai rarement vu cela ailleurs, mais aussi parce que cela représente très bien notre vie culinaire. Tout le monde mange cela ici. C’est ça qu’il faut goûter absolument.

Luxure : En France, l’image des chefs a changé, ce sont devenus des stars voire des rock stars. Est-ce qu’au Pérou c’est la même chose et est-ce que cela amène un petit truc en plus vis à vis des femmes ? 

🙂 Oui, c’est pareil, mais il faut savoir garder les pieds sur terre. Ce n’est pas cela la cuisine. La cuisine, c’est la maison, des jolis moments d’amitiés, de partage, d’amour. Ce qui est important c’est d’utiliser l’attention que l’on nous porte pour parler des autres et faire avancer les choses. Pas pour parler de soi.

Paresse : Est-ce qu’il vous arrive de ne pas travailler ? 

Bien sur. J’adore ne rien faire, les jours comme aujourd’hui où je peux parler de tout et de rien avec des amis. Et le jour d’après on fait mieux la cuisine parce que l’on est heureux. Il faut savoir parfois s’arrêter pour mieux redémarrer.

Merci beaucoup 🙂

Une photo souvenir

Elle est prise à Inkaterra – Urumbamba, Pérou

Gaston Acurio a de nombreux restaurants dans le monde entier dont un à Paris :

Manko – 15 Avenue Montaigne, 75008 Paris