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Des restaurants gastronomiques sans gluten

Un article lu dans Le Monde ce matin consacré à de bonnes adresses sans gluten, à Paris et en Province. Parce que c’est vrai qu’il n’est pas facile de sortir dans de bons restaurants quand on suit un régime évictif.

Marre de la sempiternelle grillade-salade ! Les intolérants au gluten peuvent désormais surprendre leurs papilles : au Clarisse (Paris 7e), cueillis dès l’amuse-bouche par un velouté de butternut relevé de pousses de réglisse, ils poursuivent par des gambas poêlées sur une crème de chèvre, accompagnées de betteraves et pommes acidulées. S’ensuit un agneau de lait mariné aux épices avec légumes étuvés au yuzu, un agrume japonais. Pour conclure par une sphère de meringues à l’émulsion de lait de coco, agrémentée d’ananas Victoria, de sorbet au galanga (famille du gingembre) et… d’une pointe de basilic thaï. Le tout pour 35 euros le midi.

Cette expérience savoureuse, initiative du chef Sadaki Kajiwara, confirme une tendance : des grands chefs se mettent au « sans gluten ». En toute discrétion – difficile de trouver des mentions sur les cartes -, mais pour répondre à la demande croissante de personnes intolérantes. Comme Hugues Pouget, sept ans chef pâtissier du triplement étoilé Guy Savoy et co-fondateur des pâtisseries Hugo & Victor. Son Hugo chocolat (ganache de gianduja sur une dacquoise infusée de poivre, vanille et de fève tonka) pourrait se manger sur la tête d’un tigre ! Quant à sa gelée au litchi et à la poudre de noisettes ou sa mousse à la passion, légèrement poivrée, elles raviront les adeptes du « trop de sucre tue le goût ».

« Trouver des recettes sans gluten est un défi intéressant », explique le pâtissier. « Les produits obtenus sont d’aussi bonne qualité gustative. Mais ce n’est pas une offre revendicative », ajoute-t-il prudemment. Il n’empêche. La plupart des chefs lancés dans cette cuisine « marginale » connaissent au moins un proche présentant des allergies alimentaires ou étant atteint d’une maladie auto-immune (hyperactivité du système immunitaire). Ainsi, Hugues Pouget a lu L’Alimentation ou la troisième médecine, du docteur Jean Seignalet (Ed. du Rocher, 2012), qui, dès les années 1970, a préconisé un régime sans blé et sans lait pour contrer certaines maladies inflammatoires.

Le chef Patrick Schoone, de l’Auberge Saint-Paul, est, lui, atteint d’une sclérose en plaques, « sans aucun traitement possible », dit-il. Il s’est converti au sans-gluten, et son « rayon de marche » sans canne a doublé en trois ans. Il propose ses trouvailles dans son restaurant gastronomique de La Fresnaye-sur-Chédouet (Sarthe). Une adresse débusquée par Sortirsansgluten.com, site animé bénévolement par Marie Harvard, informaticienne et intolérante qui a répertorié 150 restaurants en France.

Jean-Pascal Vallée, chef étoilé et connaisseur des théories du docteur Catherine Kousmine qui, dès les années 1950, a travaillé sur les liens entre alimentation et pathologies cancéreuses ou auto-immunes, reconnaît que ses collègues le prennent « pour un ovni ». « Une gastronomie saine est simple, mais seuls 15 % des chefs y sont sensibles. La génération des quinquas, à laquelle j’appartiens, est plutôt intéressée par un positionnement terroir », note-t-il. Preuve de son engagement, il a quitté son restaurant Villa Dilecta, aux Sables-d’Olonne, pour lancer, d’ici à Pâques, un autre lieu, à quelques kilomètres, pour former professionnels et particuliers.

Cuisiner savoureux sans gluten n’est pas difficile

Les premiers séduits par cette offre sont les malades coeliaques (maladie inflammatoire de l’intestin touchant de 1 pour mille à 1 % des personnes), mais aussi les intolérants légers au gluten et ceux qui, par effet de mode ou conviction, annoncent vouloir manger plus sainement. « Ces chefs veulent rendre service, constate Valérie Cupillard, auteur de Cuisinez gourmand, sans gluten, sans blé, sans oeufs (Prat, 2012). Mais, comme leurs cuisines peuvent présenter fortuitement des traces de gluten, ils ne veulent pas en faire une publicité excessive. »

Au dire de ces pionniers, cuisiner savoureux sans gluten n’est pas difficile. Il suffit « juste » de remplacer la toute-puissante farine de blé – qui gonfle et lie parfaitement – dans les cakes, fonds de sauce, pains, mignardises… Une prouesse réalisée en jonglant avec les farines (riz, châtaigne, quinoa, sarrasin…) et les ingrédients (agar-agar, arrow-root…)

Quant au prix, c’est un faux débat, estime Agnès Chotin, chef de l’Auberge Napoléon à Grenoble : « La logique de prix dans l’agroalimentaire me dépasse, explique-t-elle, on me propose une pomme Pink Lady, qui a connu plus de trente traitements chimiques dans sa vie, à 2,40 euros le kilo alors que chez mon fournisseur bio, elle est à 2,10 euros. » Cette chef quadra, également naturopathe, reconnaît que la recherche de recettes de gastronomie saine prend du temps. Mais toutes ses recettes en bénéficient : elle y a remplacé le beurre par de l’huile d’olive, la gélatine par de l’agar-agar. Chez elle, les intolérants peuvent déguster une guimauve de betterave salée, un gâteau de champignons au bourgeon de sapin ou un granité à l’aubier de tilleul. Des menus plus onéreux, entre 49 et 73 euros, mais au même prix… avec ou sans gluten.

Un traitement identique… le nirvana pour un intolérant.

Source : Le Monde (clic)